Après la naissance de Z., j’avais tout de suite eu envie d’en écrire le récit et l’avais fait dès que j’en avais eu l’occasion. Je suis contente de l’avoir fait rapidement, il est riche en détails, dont certains que j’ai oubliés, dont la mémoire se réactive à la lecture. Après la venue au monde de K., j’ai bien vite noté sur mon carnet « écrire le récit de sa naissance », et un an et demi plus tard, je ne l’ai pas encore fait.
Alors, comment était-il, ce deuxième accouchement après un premier aussi inattendu (rapide, sans douleur et sans péridurale) ? (Précision : je ne suis pas contre la péridurale, vous faites comme vous le voulez et le pouvez).
Il était très différent. Pourtant, techniquement, je pense que tout s’est passé de façon très similaire (le temps que ça a pris, les différentes phases, la position du bébé). Moi, j’étais différente. J’avais déjà accouché, je connaissais mieux mon corps, je n’étais pas aussi facile à surprendre. Cette fois là, pas question d’arriver à la maternité dilatée à 9.
Les jours précédents ce 11 janvier, il m’était arrivé de me lever très tôt le matin, voire dans la nuit, réveillée par des contractions. Je prenais un bain chaud, un spasfon, je regardais mon ventre faire trembler l’eau, se calmer ensuite. Ce jour-là, ça n’a pas marché, ou peut-être n’ai-je même pas essayé. J’ai vu que je perdais (trigger warning bouchon muqueux) le bouchon muqueux vers 6h du matin, ce qui avait été le commencement des choses sérieuses avec Z. J’ai attendu que le Chap se réveille, je lui ai dit que c’était pour aujourd’hui, qu’on allait emmener Z chez une amie qui l’emmènera à l’école avec ses propres enfants. On a patienté jusqu’au réveil de la môme, on lui a expliqué. Elle était concentrée, émue d’une façon intériorisée, silencieuse qui est rare chez elle, réservée aux plus grandes émotions.
On est partis, on s’est garés devant chez l’amie. Pendant que le Chap faisait un premier aller-retour chez elle, Z est venue sur mes genoux, le peu de place qu’il y restait, à l’avant de la voiture. C’était un beau moment. Elle m’a demandé qu’on ne regarde pas le sexe du bébé avant qu’elle arrive, je lui ai dit que ce ne serait pas possible, mais qu’elle pourrait le découvrir elle-même si elle voulait. Et je lui ai dit « à demain ».
On arrive à la maternité. Les contractions sont toujours présentes et régulières, mais pas si intenses, et pas douloureuses. Mais je suis sûre de moi, l’idée qu’on nous renvoie chez nous ne m’effleure pas. Après un peu d’attente, on m’emmène en salle d’examen. Après quelques échanges, la sage-femme me confirme ce dont je me doutais sans l’appeler de mes vœux : c’est elle qui avait assisté à mon premier accouchement (d’une façon que je n’avais guère appréciée). Je décide (parce que la pensée magique, quand elle m’aide, je prends, comme les placebos) que la coïncidence signifie que nous allons pouvoir réparer ce qui s’est passé il y a quatre ans. Le travail a commencé, doucement : j’en suis à 3. Il est 9h. Elle me demande ce que je veux, je réponds : choisir ma position et que ce soit moi qui « attrape » le bébé.
Elle m’installe en salle nature, je veux pouvoir me suspendre, comme pour la naissance de Z. Dans un premier temps, j’alterne le ballon, les massages du Chap et une sorte de danse vaguement africaine, toute dans les chevilles et le bassin. Alors que lors de mon premier accouchement je me laissais porter par les événements en attendant que cela commence vraiment, cette fois-ci je suis consciente que c’est en train de se passer, et j’en suis, je m’imagine même aux commandes. Autre différence : alors que la première fois j’ai eu l’impression que le Chap et moi nous faisions quelque chose ensemble, cette fois je le vois à peine. Plus le travail avance et plus je m’adresse à lui par gestes, voire par borborygmes.
La sage-femme revient au bout de deux heures, je suis à 5. Deux heures plus tard, à 7. La puer vient aussi parfois, je mets un vernis social pour elles, elles me dérangent mais je fais avec.
Vers 13h, je demande au Chap d’appeler la puer. Je n’ai toujours pas mal mais je commence à me sentir un peu perdue, je crois avoir envie de pousser mais sans en être sûre. La puer vient, m’écoute, va chercher la SF, lui explique que je me sens « un peu perdue », je la corrige (sur le moment, ça me semble une grave déformation). La SF me dit : « c’est vous qui savez », et je sens que ces paroles réparent quelque chose de notre première rencontre (où elle ne m’avait pas laissé choisir ma position d’accouchement). La dilatation n’est pas maximale mais elle me dit que pour un deuxième, les choses (la dilatation et la descente) peuvent se faire en même temps. Et c’est parti pour trois quarts d’heure de poussée (ce que j’ai trouvé beaucoup trop long). D’abord en suspension, pendant assez longtemps. Je démarre debout, les bras en extension en haut de la corde, et me laisse accroupir le long de la contraction. Et … ça ne marche pas, je m’épuise, j’ai l’impression que trop peu se passe. Les soignantes commencent à m’encourager avec leurs intonations de supportrices de foot, je les « ch-chuuuuut ! » dans ma plus belle performance de dame du CDI délocalisée. La SF propose plusieurs fois que je m’allonge sur le lit, je refuse, puisque la position verticale me réussissait la première fois, aucune raison de faire autrement ! Elle finit par me conseiller, un peu plus fermement, d’essayer au moins, je pourrai me relever si ça ne convient pas. Je m’allonge. Je pousse depuis une demi-heure (j’ai poussé dix minutes pour la naissance de Z), je trouve le temps long, j’ai horreur de ça.
Et puis enfin, on amène ma main à sentir le crâne du bébé, et je sens cette brûlure mouillée (et là j’ai mal, je me tortille de douleur en le criant, mais ça ne dure que quelques secondes), et la SF guide mes mains sur un paquet mou, glissant et grisâtre, qui devient un bébé rose le temps de le poser sur mon torse.
Aussitôt, la SF lui dégage les jambes, me dit de regarder le sexe de mon bébé. Pendant une demi-minute le cordon me perturbe, et puis je dis « une … petite fille ? » La SF me répond : « Oui, votre fille », et je dis « Oh, c’est ce que je voulais ! » (je n’en avais aucune idée avant de le dire).
Pas de souffrance, peu de douleur, et une sensation d’en être, pas seulement d’accompagner le processus. C’était beau – ce n’était pas encore mon idéal, mais c’était beau.
Et voilà comment K est venue au monde.