Jouer avec Amélie, Andrée et Julie

Un petit jeu d’écriture proposé par Amélie autour des mots d’Andrée Chedid (pour en savoir plus et découvrir l’atelier d’écriture du jeudi d’Amélie, c’est ici). Il fallait attraper le premier bouquin trouvé, et ce fut Mon amour, de Julie Bonnie.

 

Je te donne trois petits coups sur la porte
La vague d’un ailleurs

De l’attelage entre les heures
De l’oeuvre entre les gémissements

Je te donne trois ailes
Et le goût de l’envol

Merci Amélie !

El Nano

Comme je n’arrive pas à trouver le temps pour

  • corriger mon roman (mais j’ai trouvé de l’aide et ça va un peu mieux)
  • écrire les nouvelles qui me viennent
  • publier ici
  • répondre aux commentaires ici toujours
  • participer au projet Maternités féministes (blog et compte twitter que je vous invite à suivre, ami-e-s et allié-e-s)

Comme ma vie, aujourd’hui, c’est des nuits très entrecoupées préparer à manger donner le sein moucher des narines qui ne savent pas encore souffler sur commande ranger le salon attraper des petites mains et courir courir (avec un peu de chance dans le sable) chiner avec un seul bras de libre aller au travail et essayer de faire en 21h ce que je devrais faire en 30 ranger le salon ranger la cuisine jouer aux dominos grignoter alors que j’aurais besoin de dormir mais à défaut je mange (gras sucré salé) cuisiner ramasser des jouets mettre du linge au sale accompagner aux toilettes rire rire rire avec un bébé jovial rester à lire dans la voiture parce qu’elle s’y est enfin endormie prendre des cafés avec des copines assise au sol à côté du bébé regarder une série en donnant le sein ramasser des jouets jeter du papier froissé fouiller dans la poubelle parce qu’en fait c’était un dessin très précieux lire entre 3 et 5 du mat quand j’ai renoncé à me rendormir vite ranger le linge geeker (parcourir mes mails twitter et insta sans avoir la possibilité d’y répondre) en donnant le sein, aller au parc, poser le bébé dans l’herbe sans le quitter des yeux sauf pour admirer la môme (maman regarde !!! je fais un truc !!!) ranger le salon élever la voix trop souvent consoler un deux trois quatre chagrins (dont certains que j’ai causés) préparer des menus faire des courses inviter un copain de la môme faire des sablés avec elles chanter Les cafards ont le cafard parce que personne ne les ai-ai-ai-aime Levés tôt couchés tard les cafards ont pas la flemme me coucher bien plus tôt que les cafards dire qu’il faudrait que je mange plus de légumes aller à la médiathèque emprunter des livres de cuisine végé mettre l’eau à bouillir pour les pâtes donner un verre d’eau un goûter de la vitamine D du gel pour les dents du gel pour les coups de l’huile essentielle contre les puces ranger le salon tenir compagnie aux toilettes poser le bébé pour prendre la môme dans les bras.

Comme là-dedans je ne retrouve qu’une partie de celle que je suis, comme j’ai du mal à grappiller ce qu’il faudrait de temps pour l’écriture, je me suis lancé un défi : ce mois-ci, et pour la première fois, je me suis inscrite au NaNoWriMo. Vous trouverez tout ce qu’il faut de descriptifs ailleurs, et par des gens qui l’ont déjà pratiqué, mais en deux mots : au mois de Novembre, je vais écrire 50000 mots (or die trying) (façon de parler). Autrement dit, ce mois-ci, ma priorité absolue, ce sera d’écrire.

Je sais à quoi ça ressemble : comme je ne trouve pas le temps de lire un livre par mois, je me suis promis d’en lire un par jour. Comme j’ai du mal à marcher, je vais courir un marathon. C’est un peu l’idée : l’électrochoc pour rétablir une priorité dans ma vie. Pendant les 30 jours à venir, ma priorité absolue sera d’écrire. Évidemment, l’expression « priorité absolue », quand on a un ou (pire !) des enfants, et incidemment un travail, ressemble à une vaste blague.

N’empêche. J’essaie. Je suis là, avec une trame, avec mon engagement, avec mes équipiers (le Chap, la môme, la bébé), et j’essaie.

Alors, et ce roman ?

J’ai fini mon premier roman. Joie ! Joie ?

J’ai fini mon premier roman. Il y a des mois.  Et depuis il me semble être en stase, comme en tétanie.

Je voudrais le voir publié, mais je ne fais quasi rien (deux envois dans des maisons d’éditions surchargées de demande). Comme s’il fallait que ce projet aboutisse avant de passer à autre chose, mais que je refusais en même temps d’y consacrer l’énergie nécessaire. Peut-être est-ce le renoncement au conte de fée qui me prend ce temps : non, mes écrits sur mon blog ne seront pas remarqués, une grande maison d’édition ne me propose  pas un livre, aucun de ces scénarios magiques du 2.0 n’est le le mien. Et alors ? Écrire devrait passer avant tout, écrire surtout sinon seulement, et si ce roman m’a laissée quelque peu exsangue du côté de l’intrigue, je devrais écrire ailleurs, autrement.
Ou le reprendre ? Je sais qu’en l’état il n’est pas publiable. Il manque encore de structure et d’étoffe, cependant, il m’a semblé être allé au bout de ce que je pouvais accomplir seule, avoir suffisamment bataillé avec lui, et devoir m’en remettre à un compagnon de route pour avancer encore. J’ai voulu croire qu’un éditeur verrait le diamant sous la pierre brute et me guiderait dans le processus de taille. Présomption, orgueil, ou peut-être juste besoin d’être choisie, d’être révélée. Manque de confiance, de foi en moi-même.
Il me faut pourtant continuer, je le sais. Toute confortable que l’idée soit, abandonner l’écriture n’est pas une option, ce serait comme renoncer à la dernière parcelle de moi qui n’ait pas été voulue par d’autres, façonnée en fonction d’eux, aimés ou craints indistinctement. Quand j’écris, je  ne suis ni élève, ni épouse, ni amie, ni mère, ni professeure, même si toutes ces expériences nourrissent l’écriture. Je suis un moi qui ne dépend plus de personne, qui ne cherche à satisfaire personne, et l’ego se fait plus petit. Il y a l’écriture, et la course qui m’appartiennent. Mais dans la course les enjeux d’ego me paraissent plus présents, et sans doute est-ce aussi le cas dans la publication, à la différence du processus d’écriture.

Ce n’est pas seulement le temps qui manque, mais l’élan. La période que nous vivons (non pas moi, ma grossesse, mon âge, mais cette époque historique, cette génération aussi) semble tellement insensée. La stratégie du choc, sans doute, qui veut saper toute tentative de comprendre, toute pensée, nécessairement lente, toute construction de sens, et donc d’une direction, un horizon souhaitable. Que créer qui tienne la route ? Toute écriture se doit dans un contexte aussi sinistre de justifier la vie, le temps humain consacré à elle, à cette soustraction au commun peut-être. Quelle tâche immense … Si c’est vraiment ce que je pense (parfois mes propres vérités me sont encore moins accessibles que quoi que ce soit d’autre), il n’est pas étonnant que prendre la plume me soit si difficile. Elle est bien chargée …
Mais écrire n’a jamais été quelque chose de léger pour moi. Il y a du plaisir, parfois, mais également de la gravité. Ou alors : la légèreté peut exister quand il s’agit d’une écriture des faits non intimes, un exercice pour un cours, un article de journal, une traduction. Mais s’il me faut fictionner, inventer, ou décrire mes mouvements intérieurs, il s’agit alors de quelque chose de plus sérieux, de lourd. Quoique peut-être, le format des nouvelles m’avait permis d’échapper à cela.
Cela fait trop longtemps que je n’ai rien inventé, Louise a pris toute mon énergie et il s’agit peut-être maintenant de réentraîner le muscle fictionnel, celui qui crée des personnages et des intrigues, plus que celui qui leur donne chair, plus que l’écriture elle-même.

Tellement de freins entremêlés dans mes non-décisions : donner de la valeur à mon travail d’écriture (la donner moi-même et concrètement, pas recevoir les encouragements et compliments des autres), me surestimer, me sous-estimer … La question est sans doute celle du prochain plus petit pas. Peut-être faudrait-il, à défaut de nager ou de courir, mon ventre plein de vie me compliquant la tâche, que je me mette à marcher, afin que les idées adviennent.