Quand j’ai écrit ce billet-là, j’ai dit un truc (sur Twitter) :
… et Samantha Dei (si, si) m’a très gentiment et intelligemment répondu :
Sans vouloir tomber dans le bénabarisme … Il est vrai que le destin sémantique des expressions « politiquement correct » (se soucier de justice sociale, voilà qui est suspect) comme « politiquement incorrect » ( « je suis raciste et sexiste mais en plus je fais passer ça pour une attitude rebelle et sexy ») laissent rêveur.
Est-ce qu’avec l’adjectif nian-nian (ou ces potes mièvre, bisounours ou que sais-je), on ne tombe pas dans le même mécanisme ? S’excuser ou pire s’interdire de dire des choses simples et bénéfiques, est-ce le même mépris (autoinfligé souvent) que celui qui dénigre la zone de confort ?
L’injonction au bonheur, ça existe aussi, et c’est une chose terrible. Ça me glace de vivre à une époque où il existe des Happy Office Manager ou des Chief Happiness Officer, bref des flics du bon moral, quand ils sont plus en charge de fliquer le calibre du sourire des employés que de veiller au bien-être au travail. Il faut s’en méfier, des injonctions, même à être soi, même à prendre soin, même à profiter, même à se méfier des injonctions.
Qu’est-ce qui peut rendre heureux ?
Rien d’extérieur n’y suffit : ni l’argent, ni la gloire, ni le pouvoir, ni la famille, ni même le fait d’être aimé par tel ou tel. La misère, par exemple, peut suffire au malheur ; mais chacun sait qu’il n’a jamais suffi d’être riche pour être heureux. Le bonheur dépend d’une disposition intérieure. Laquelle ? Celle que les Anciens appelaient la sagesse, qu’on pourrait appeler, plus simplement, la sérénité, ou, encore mieux, l’amour de la vie. Je dis bien de la vie, heureuse ou malheureuse, et pas du bonheur ! Aimer le bonheur, c’est à la portée de n’importe qui. Mais si c’est le bonheur que vous aimez, vous ne serez content de vivre que lorsque vous êtes heureux, et vous le serez alors d’autant moins que vous aurez peur de ne plus l’être ! Si au contraire c’est la vie que vous aimez, vous avez une excellente raison de vivre, même lorsque le bonheur n’est pas là, et de lutter !
André Comte-Sponville
Sous le terme nian-nian et ses dérivés, il me semble que c’est notre amour de la vie, la naïveté apparente de notre amour de la vie, qu’on cherche à dissimuler comme s’il y avait de quoi en avoir honte.
Alors qu’il y a de quoi, il me semble, être fier, ou du moins content.
Je ne dirai plus nian-nian.