Je n’arrive pas à me réchauffer, la tasse de thé à la menthe soudée aux mains, foyer dérisoire. Le vrai feu, celui du poêle, flambe pourtant, mais j’ai froid encore, je vais à l’étage puisque la chaleur monte paraît-il, je tente de la poursuivre, je ne la trouve pas et me résigne à l’attendre.
C’est long d’être un homme une chose
C’est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux
J’écoute Piers Faccini, je ne cherche pas à comprendre les paroles, la musique et le grain de sa voix m’entretiennent de regrets et d’amour renouvelés, de ce à quoi on n’échappe pas. Je lève les yeux sur le ciel de la vallée, au moment précis où les premières gouttes de cette averse-ci griffent la fenêtre. Elles arrêtent mon regard sur la vitre, je dois le décider pour le porter au-delà et voir la lumière blanche de ce printemps débutant, les arbres encore nus sur la colline en face.
Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l’enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C’est le grand jour qui se fait vieux
En ce jour de municipales, choisir entre deux listes, toutes les deux sans programme et sans étiquette. Pour la première fois j’ai glissé les deux bulletins dans l’enveloppe. L’enfant des pourquoi veut qu’on lui explique ce qu’on fait, je ne sais que lui répondre. Est-ce que je voterai encore dans dix ans ?
Certains décident chaque jour : Demain, j’arrête. Et moi, chaque soir, seule éveillée encore dans la lumière orange de ma veilleuse, dans cette douceur aiguisée par la froideur d’au-delà de la couette, ressenti comme en échantillon au bout des doigts et du nez, je me promets : demain, je commence.
Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger